Fils, père, beau-père et grand-père de légionnaires, Louis Pasteur (1822 – 1895), le célèbre chercheur et savant, qui a donné son nom à plus de deux mille rues à travers la France, a été élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur le 7 juillet 1881.
Ce franc-comtois, né à Dole, avait vu ses mérites éminents déjà reconnus par sa nomination comme chevalier en 1853 alors qu’il était professeur de chimie à la faculté de Strasbourg, car ce jeune chimiste, ancien élève de l’École normale supérieure, s’était fait remarquer par des travaux sur la dissymétrie moléculaire.
Il est promu officier en 1863 après être devenu, à 31 ans, doyen de la faculté des sciences de Lille, ce qui lui avait permis de nouer des liens étroits avec les industriels du Nord confrontés à l’instabilité de l’alcool de betterave fabriqué dans leurs usines ; lors de sa promotion, il était depuis quelques années fixé à Paris, où il exerçait les fonctions d’administrateur et de directeur des études de l’École normale supérieure tout en poursuivant ses travaux sur la stérilisation et la fermentation. Ceux-ci lui avaient ouvert en 1862 les portes de l’Académie des sciences, dont la plupart des membres l’avaient rejoint dans le refus de reconnaître la génération spontanée des microbes défendue en particulier par le médecin et journaliste Georges Clemenceau.
Sa promotion au grade de commandeur en 1868, alors qu’il a abandonné la direction des études de Normale sup. pour prendre la tête d’un laboratoire de chimie physiologique créé en son sein, récompense ses recherches et découvertes sur les maladies contagieuses — en particulier le choléra — et les modalités de leur transmission chez les animaux, ainsi que ses études, largement couronnées de succès, sur les maladies du ver à soie et l’altération microbienne du vin et de la bière.
Il est élevé en 1878 à la dignité de grand officier au titre du ministère de l’Agriculture et du Commerce. Les insignes lui en sont remis par Jean-Baptiste Dumas, ancien ministre de l’Agriculture, président de l’Académie des sciences et membre de l’Académie française. Est ainsi notamment reconnue son implication dans le développement de la théorie microbienne des maladies contagieuses.
Après ses succès contre le choléra des poules et la maladie du charbon du mouton, son élévation finale, en 1881, à la dignité de grand-croix, dont les insignes lui sont également remis par J.-B. Dumas, ne ralentira pas ses activités scientifiques et expérimentales : ce n’est qu’en 1885 qu’il fait procéder à la première tentative couronnée de succès d’inoculation d’un vaccin contre la rage après avoir réussi à stabiliser le virus à inoculer. Il avait succédé trois ans plus tôt à Émile Littré au 17e fauteuil de l’Académie française, aujourd’hui occupé par Erik Orsenna, auteur d’une belle biographie de son prédécesseur, intitulée La Vie, la mort, la vie, Louis Pasteur.
Chevalier du Mérite agricole depuis 1883, médaille des épidémies, grand-croix de huit ordres étrangers, il s’éteint en 1895 et repose dans la crypte de l’Institut Pasteur, créé en 1888.
Il est le fils de Jean-Joseph Pasteur, né à Besançon en 1791, se déclarant « légionnaire et tanneur » lors de la naissance de son fils Louis, après avoir servi dans l’armée impériale à partir de 1811, jusqu’à son congé définitif de l’armée royale le 31 juillet 1814. Caporal en 1812, fourrier en 1812, sergent-major le 10 mars 1814, il est nommé membre de la Légion d’honneur le surlendemain alors qu’il appartient au 3e de ligne, qui deviendra quelques semaines plus tard le régiment du Dauphin. Il décède à Dole en 1865. À noter que son dossier au fichier Léonore porte la mention : « Père de l’illustre savant Pasteur ».
Jean-Joseph Pasteur (1791 – 1865) peint par Louis Pasteur. Musée Pasteur. Cliché Françoise Foliot. Source : Wikimedia.
Louis Pasteur est le père de quatre filles, dont l’une, Marie-Louise, épouse René Vallery-Radot, commandeur de la Légion d’honneur, homme de lettres, fils de Vallery Radot, officier de l’Ordre, avocat, bibliothécaire au palais du Louvre, collaborateur de plusieurs ministres sous la IIIe République et père du professeur Louis Pasteur-Vallery-Radot (1866 – 1970) grand-croix de la Légion d’honneur, académicien, résistant, député, membre du Conseil constitutionnel et, comme son père, président de l’Institut Pasteur.
Louis Pasteur est également le père de Lucien Jean-Baptiste Pasteur, né à Strasbourg en 1851 et décédé sans postérité à Villemurtin (Loir-et-Cher) en 1908. Son père lui avait remis les insignes de chevalier de la Légion d’honneur en 1892 alors qu’il était secrétaire de première classe de la légation de France à Copenhague. Il est entré dans la carrière diplomatique en 1880 comme attaché surnuméraire au service des archives, puis est passé à celui de la comptabilité la même année comme attaché payé. Il est attaché indemnisé en 1881 à la direction politique et gravit les échelons de secrétaire en alternant des postes à Rome et à Copenhague. Il termine sa carrière comme ministre plénipotentiaire et président de la commission des Pyrénées.
Ces deux lignées de trois générations successives dans l’Ordre, dont le nom, aujourd’hui éteint, ne peut donc être représenté à l’A.H.H., illustrent avec éclat la diversité des services civils et militaires rendus par cette famille, pendant plus de cent cinquante ans, à notre pays.
Philippe Choppin de Janvry.