Les plus anciens aïeux de la famille Martin sont de Mirmande, joli village du Dauphiné, où fut inhumé Grégoire Martin avant 1531. Ces riches « marchands » envahissaient les « compoix » et les registres de notaires du pays. Pierre, « drapier drappant », eut quatre fils. Le plus jeune, Jean Grégoire, prit son baluchon vers 1670 et vint à Barbentane, au confluent du Rhône et de la Durance. Aubergiste aisé, il y fit souche. Son fils, Jean-Louis, fort désireux d’être « bourgeois », fit de grands et vains efforts en ce sens. Son aîné, Étienne, notaire, premier consul en 1776, séduit par les Lumières, accepta de bon cœur les premiers enthousiasmes de 1789. Jean-François, son fils, avocat, en rajouta quelque peu avant d’être à son tour menacé de mort tant par les blancs que par les rouges ! Son petit-fils, prénommé Auguste, avocat à Arles, républicain composant volontiers avec les Orléans, fut secrétaire général de la sous-préfecture et mourut du choléra en 1854.

Son fils, grand-père de notre sociétaire, Émile (1841 – 1899), Arlésien imprégné de culture provençale, fut nourri des idées républicaines. Avocat, il s’enflamma contre la « tyrannie » de l’Empire et milita pour la République. Ravi par la chute de Napoléon III, mais atterré par la défaite, il est nommé sous-préfet d’Aix-en-Provence par le gouvernement de Bordeaux en février 1871. Ayant fait placarder dans les rues d’Aix son refus personnel de capituler devant les Prussiens (!), il apprend sa destitution par un télégramme de Bordeaux. Redevenu avocat, militant passionné pour l’instruction publique et gratuite, il fit sa traversée du désert, avant que la République lui pardonne ses rodomontades en le nommant secrétaire du gouvernement général d’Algérie, puis préfet du Tarn-et-Garonne. Assagi, devenu homme de médiation, il est très affecté par les campagnes de presse dont il est victime, tant de la part des royalistes que des radicaux républicains. Nommé directeur de l’Institut des jeunes aveugles à Paris, il s’épanouit enfin pleinement, comblé par sa nomination en 1889 au grade de chevalier de la Légion d’honneur.

Son fils, père de notre sociétaire, Auguste (1878 – 1965), fait « Sciences po. » et milite avec les dreyfusards. Réformé, de santé fragile, il demande, en 1914, une affectation au plus près du front et devient secrétaire général à Nancy. Il y reste durant toute la guerre et les autorités civiles et militaires encensent son courage pendant les bombardements. Citation civile à l’ordre de la nation, citation à l’ordre de la division, croix de guerre et nomination dans la Légion d’honneur — en 1919 — viennent successivement reconnaître ses mérites. Puis, il entre avec ardeur dans la carrière préfectorale : préfet en Corrèze, Loir-et-Cher, Sarthe (où il est promu officier de la Légion d’honneur en 1934) et Gard. En 1940, considéré comme trop peu « sûr », il est limogé par Vichy et se retire dans la Sarthe. Pendant sa retraite il s’est beaucoup investi pour l’école et l’instruction publique.

Son fils (AHH), Denis Martin, né à Blois en 1927, diplômé de l’École des ingénieurs de Caen, engagé volontaire pour l’Indochine (1951 – 1952), est enseigne de vaisseau de réserve. Il est ensuite ingénieur aux usines Renault du Mans. Ayant épousé une Avignonnaise, il part pour le Midi au centre nucléaire de Marcoule (CEA), recruté par Robert Galley, et initialement sous ses ordres. Période de « pionniers » : successivement ingénieur à l’usine de plutonium, chef du dégainage des combustibles irradiés, du réacteur G 1, des études et programmes, des réacteurs Célestin (tritium), enfin adjoint au directeur de la Cogema de Marcoule. En préretraite en 1983, il fonde et anime pendant près de vingt ans en Avignon une association sociale pour les femmes en difficulté (plusieurs centres d’hébergement et services sociaux sont alors créés). Il est élu président d’une fédération d’associations de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Ayant pris une nouvelle retraite en 2002, il se livre à des activités de recherches historiques régionales et donne des conférences à l’Académie de Vaucluse. Il est l’auteur d’un ouvrage sur l’Histoire de Barbentane. Chevalier du Mérite (1972) et de la Légion d’honneur (2004).

Bulletin de l’AHH, n° 46, décembre 2004.