Ordre national de la Légion d'honneur

La Légion d'honneur a été créée en 1802 (29 floréal an X) par Napoléon Bonaparte, premier consul, qui s’est nettement inspiré de l’ordre de Saint-Louis, à « la croix » duquel aspirait le « petit caporal » d’Ancien Régime qu’il avait d’abord été ! Mais dès l’origine, il s’est démarqué de l’ordre exclusivement militaire et catholique de Saint-Louis en s’ouvrant aux civils de toute religion ayant rendu des services éminents à la Nation.

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Décret du 29 floréal an X (19 mai 1802) portant création de la Légion d’honneur

Au nom du peuple français, Bonaparte, premier consul, proclame loi de la République le décret suivant, rendu par le Corps législatif le 29 floréal an X, conformément à la proposition faite par le Gouvernement le 25 dudit mois, communiquée au Tribunat le 27 suivant.

Titre Ier. — Création et organisation de la Légion d’honneur

Article 1er. — En exécution de l’article 87 de la Constitution, concernant les récompenses militaires, et pour récompenser aussi les services et les vertus civils, il sera formé une légion d’honneur.

Article 2. — Cette légion sera composée d’un grand conseil d’administration, et de quinze cohortes, dont chacune aura son chef-lieu particulier.

Article 3. — Il sera affecté à chaque cohorte, des biens nationaux portant deux cent mille francs de rente.

Article 4. — Le grand conseil d’administration sera composé de sept grands officiers ; savoir : des trois consuls, et de quatre autres membres, dont un sera nommé entre les sénateurs, par le Sénat ; un autre, entre les membres du Corps législatif, par le Corps législatif ; un autre, entre les membres du Tribunat, par le Tribunat ; et un enfin, entre les conseillers d’État, par le Conseil d’État. Les membres du grand conseil d’administration conserveront, pendant leur vie, le titre de grand officier, lors même qu’ils seraient remplacés par l’effet de nouvelles élections.

Article 5. — Le premier consul est, de droit, chef de la légion, et président du grand conseil d’administration.

Article 6. — Chaque cohorte sera composée :

  • de sept grands officiers ;
  • de vingt commandans ;
  • de trente officiers ;
  • et de trois cent cinquante légionnaires.

Les membres de la légion sont à vie.

Article 7. — Il sera affecté :

  • à chaque grand officier cinq mille francs ;
  • à chaque commandant, deux mille francs ;
  • à chaque officier, mille francs ;
  • et à chaque légionnaire, deux cent cinquante francs.

Ces traitements sont pris sur les biens affectés à chaque cohorte.

Article 8. — Chaque individu admis dans la légion, jurera, sur son honneur, de se dévouer au service de la République, à la conservation de son territoire dans son intégrité, à la défense de son gouvernement, de ses lois, et des propriétés qu’elles ont consacrées ; de combattre par tous les moyens que la justice, la raison et les lois autorisent, toute entreprise tendant à rétablir le régime féodal, à reproduire les titres et qualités qui en étaient l’attribut ; enfin, de concourir de tout son pouvoir au maintien de la liberté et de l’égalité.

Article 9. — Il sera établi dans chaque chef-lieu de cohorte, un hospice et des logemens, pour recueillir soit les membres de la légion que leur vieillesse, leurs infirmités ou leurs blessures auraient mis dans l’impossibilité de servir l’État, soit les militaires qui, après avoir été blessés dans la guerre de la liberté, se trouveraient dans le besoin.

Titre II. — Composition

Article 1er. — Sont membres de la légion tous les militaires qui ont reçu des armes d’honneur.

Pourront y être nommés :

  • les militaires qui ont rendu des services majeurs à l’État dans la guerre de la liberté ;
  • les citoyens qui, par leur savoir, leurs talens, leurs vertus, ont contribué à établir ou à défendre les principes de la République, ou fait aimer et respecter la justice ou l’administration publique.

Article 2. — Le grand conseil d’administration nommera les membres de la légion.

Article 3. — Durant les dix années de paix qui pourront suivre la première formation, les places qui viendront à vaquer demeureront vacantes jusqu’à concurrence du dixième de la légion, et, par la suite, jusqu’à concurrence du cinquième. Ces places ne seront remplies qu’à la fin de la première campagne.

Article 4. — En temps de guerre, il ne sera nommé aux places vacantes qu’à la fin de chaque campagne.

Article 5. — En temps de guerre, les actions d’éclat feront titre pour tous les grades.

Article 6. — En temps de paix, il faudra avoir vingt-cinq années de service militaire, pour pouvoir être nommé membre de la légion ; les années de service, en temps de guerre, compteront double, et chaque campagne de la guerre dernière comptera pour quatre années.

Article 7. — Les grands services rendus à l’État dans les fonctions législatives, la diplomatie, l’administration, la justice, ou les sciences, seront aussi des titres d’admission, pourvu que la personne qui les aura rendus ait fait partie de la garde nationale du lieu de son domicile.

Article 8. — La première organisation faite, nul ne sera admis dans la légion qu’il n’ait exercé pendant vingt-cinq ans ses fonctions avec la distinction requise.

Article 9. — La première organisation faite, nul ne pourra parvenir à un grade supérieur qu’après avoir passé par le plus simple grade.

Article 10. — Les détails de l’organisation seront déterminés par des réglemens d’administration publique : elle devra être faite au 1er vendémiaire an XII ; et, passé ce temps, il ne pourra y être rien changé que par des lois.

 

Collationné à l'original, par nous, président et secrétaires du Corps législatif.

À Paris, le 29 floréal an X de la République française.

Signé : Rabaut le Jeune, président ; Thiry, Tupinier, Bergier, Rigal, secrétaires.

 

Soit la présente loi revêtue du sceau de l’État, insérée au Bulletin des lois, inscrite dans les registres des autorités judiciaires et administratives, et le ministre de la Justice chargé d’en surveiller la publication.

À Paris, le 9 prairial an X de la République.

Signé : Bonaparte, premier consul.

Contre-signé : le secrétaire d’État, Hugues B. Maret. Et scellé du sceau de l’État.

 

Vu, le ministre de la Justice.

Signé : Abrial.

Ordonnance du 19 juillet 1814 relative à la Légion d'honneur (extraits)

Article 2. — Toutes les prérogatives honorifiques attribuées à la Légion d'honneur et à ses membres sont maintenues. (…)

Article 22. — Les lois, décrets et règlements qui ne sont pas abrogés ou modifiés par la présente Ordonnance continueront d'être exécutés.